Voici un extrait de "Où es-tu ?" de Marc Lévy que j'ai beaucoup aimé.
L'extrait se passe quelques jours après l'arrivée de Lisa, petite Hondurienne de 8 ans, dans la maison de Phillip et Mary aux États-Unis.
"Tournant son visage vers la fenêtre, elle (Mary) se sentit cernée par la tristesse du ciel dans cet après-midi morne et silencieux. Lisa leva la tête et surprit le chagrin qui coulait sur les joues de Mary. Elle la scruta ainsi quelques instants et la colère qui l'envahit vint déformer son visage de petite-fille. Elle sauta aussitôt de la chaise où elle était perchée et se dirigea d'un pas déterminé vers le réfrigérateur qu'elle ouvrit brusquement. Elle prit des oeufs, une bouteille de lait et claqua le battant. Elle s'empara d'un bol dans lequel elle commença à fouetter son mélange avec une vigueur qui étonna Mary. Elle ajouta de la même façon et sans aucune hésitation, sucre, farine, et autres ingrédients qu'elle saisissait un à un sur les étagères.
-Qu'est-ce-que tu fais ?
L'enfant fixa Mary droit dans les yeux, sa lèvre inférieure tremblait.
-Dans mon pays il pleut, mais pas des pluies comme ici, des vraies, qui tombent pendant tellement de jours qu'on ne peut plus les compter. Et la pluie chez nous, elle est si forte qu'elle finit toujours par trouver son chemin pour entrer sous ton toit, et elle coule à l'intérieur de ta maison. Elle est intelligente la pluie, c'est maman qui me l'a dit, toi tu ne le sais pas, mais il lui en faut plus, toujours plus.
La colère de l'enfant grandissait à chaque mot. Elle alluma le gaz et y fit chauffer une poêle. Elle continua, interrompue seulement d'un soubresaut.
-Alors, elle cherche comment aller plus loin, et si tu ne fais pas très attention, elle se glisse dans ta tête pour te noyer, et quand elle a réussi, elle s'enfuit par tes yeux pour aller noyer quelqu'und'autre. Ne mens pas, je l'ai vue la pluie dans tes yeux, tu as eu beau essayer de la retenir en toi, c'était trop tard, tu l'as laissée entrer, tu as perdu !
Et tout en poursuivant son monologue, de rage, elle déposa sa pâte et la regarda dorer sur le feu.
-Elle est dangereuse cette pluie-là, parce que dans ta tête, elle enlève des bouts du cerveau, tu finis par renoncer et c'est comme ça que tu meurs. Je le sais bien que c'est vrai, je les ai vus les gens qui chez moi sont morts parce qu'ils ont abandonné, c'est Enrique qui les transporte ensuite dans sa charette. Maman, pour nous protéger de la pluie, pour nous empêcher de nous faire du mal, elle a un secret...
Et de toutes ses forces réunies en un geste soudain elle fit virvolter la crêpe en l'air. Dorée, elle tournoya sur elle-même, s'élevant lentement jusqu'à venir se coller au plafond, juste au-dessus de Lisa qui la montra du doigt. Le bras aussi tendu que la corde d'un arc prête à rompre,elle hurla à Mary:
-C'est le secret de maman, elle faisait des soleils sous le toit. Regarde, dit-elle en pointant de toutes ses forces la crêpe collée au plafond, mais regarde ! Tu vois le soleil ?
Et sans attendre de réponse elle en fit revenir une nouvelle qu'elle envoya aussitôt rejoindre la première. Mary ne savait pas comment réagir. À chaque crêpe qui prenait son envol, la petite fille dressait fièrement son index en l'air et criait:
-Tu les vois les soleils, alors tu ne dois plus pleurer maintenant !» (p.193-195)
J'ai adoré la façon de penser de la petite-fille ! Qu'en pensez-vous ?
L'extrait se passe quelques jours après l'arrivée de Lisa, petite Hondurienne de 8 ans, dans la maison de Phillip et Mary aux États-Unis.
"Tournant son visage vers la fenêtre, elle (Mary) se sentit cernée par la tristesse du ciel dans cet après-midi morne et silencieux. Lisa leva la tête et surprit le chagrin qui coulait sur les joues de Mary. Elle la scruta ainsi quelques instants et la colère qui l'envahit vint déformer son visage de petite-fille. Elle sauta aussitôt de la chaise où elle était perchée et se dirigea d'un pas déterminé vers le réfrigérateur qu'elle ouvrit brusquement. Elle prit des oeufs, une bouteille de lait et claqua le battant. Elle s'empara d'un bol dans lequel elle commença à fouetter son mélange avec une vigueur qui étonna Mary. Elle ajouta de la même façon et sans aucune hésitation, sucre, farine, et autres ingrédients qu'elle saisissait un à un sur les étagères.
-Qu'est-ce-que tu fais ?
L'enfant fixa Mary droit dans les yeux, sa lèvre inférieure tremblait.
-Dans mon pays il pleut, mais pas des pluies comme ici, des vraies, qui tombent pendant tellement de jours qu'on ne peut plus les compter. Et la pluie chez nous, elle est si forte qu'elle finit toujours par trouver son chemin pour entrer sous ton toit, et elle coule à l'intérieur de ta maison. Elle est intelligente la pluie, c'est maman qui me l'a dit, toi tu ne le sais pas, mais il lui en faut plus, toujours plus.
La colère de l'enfant grandissait à chaque mot. Elle alluma le gaz et y fit chauffer une poêle. Elle continua, interrompue seulement d'un soubresaut.
-Alors, elle cherche comment aller plus loin, et si tu ne fais pas très attention, elle se glisse dans ta tête pour te noyer, et quand elle a réussi, elle s'enfuit par tes yeux pour aller noyer quelqu'und'autre. Ne mens pas, je l'ai vue la pluie dans tes yeux, tu as eu beau essayer de la retenir en toi, c'était trop tard, tu l'as laissée entrer, tu as perdu !
Et tout en poursuivant son monologue, de rage, elle déposa sa pâte et la regarda dorer sur le feu.
-Elle est dangereuse cette pluie-là, parce que dans ta tête, elle enlève des bouts du cerveau, tu finis par renoncer et c'est comme ça que tu meurs. Je le sais bien que c'est vrai, je les ai vus les gens qui chez moi sont morts parce qu'ils ont abandonné, c'est Enrique qui les transporte ensuite dans sa charette. Maman, pour nous protéger de la pluie, pour nous empêcher de nous faire du mal, elle a un secret...
Et de toutes ses forces réunies en un geste soudain elle fit virvolter la crêpe en l'air. Dorée, elle tournoya sur elle-même, s'élevant lentement jusqu'à venir se coller au plafond, juste au-dessus de Lisa qui la montra du doigt. Le bras aussi tendu que la corde d'un arc prête à rompre,elle hurla à Mary:
-C'est le secret de maman, elle faisait des soleils sous le toit. Regarde, dit-elle en pointant de toutes ses forces la crêpe collée au plafond, mais regarde ! Tu vois le soleil ?
Et sans attendre de réponse elle en fit revenir une nouvelle qu'elle envoya aussitôt rejoindre la première. Mary ne savait pas comment réagir. À chaque crêpe qui prenait son envol, la petite fille dressait fièrement son index en l'air et criait:
-Tu les vois les soleils, alors tu ne dois plus pleurer maintenant !» (p.193-195)
J'ai adoré la façon de penser de la petite-fille ! Qu'en pensez-vous ?
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