«... Alice, une jeune fille curieuse, délurée, fonceuse et intelligente de Brossard. À dix-huit ans, poussée par son besoin d'affirmation de soi, elle décide qu'il est temps de quitter le cégep et le cocon familial pour aller vivre sa vie là où tout est possible, c'est-à-dire dans la métropole.
À la suite d'une rencontre fortuite dans le métro, Alice aboutit dans un quartier dont elle n'a jamais entendu parler et où les gens sont extrêmement bizarres. Mais c'est normal, non ? Elle est à Montréal et dans toute grande ville qui se respecte, il y a plein d'excentriques, comme Charles ou Verrue, d'illuminés, comme Andromaque ou Chess, et d'êtres encore plus inquiétants, comme Bone et Chair...
Alice s'installe donc et mord à pleines dents dans la vie, prête à tout pour se tailler une place.
Or, elle ne peut savoir que là où elle a élu domicile, l'expression être «prêt à tout» revêt un sens très particulier...»
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Comme toujours, Patrick Sénécal nous tient en haleine avec ce roman. J'ai été fascinée par "Aliss" autant que par "Sur le Seuil" et par "Le passager", quoique d'une manière différente. J'ai eu un coup de foudre sans ambiguïté pour ces deux derniers romans. Pour Aliss, cela a été bien différent. J'ai adoré, admiré autant que je été dégoûtée. Car c'est plein de sexe, de violence, de sang et de sacres. Bref, c'est pas très poétique ! MAIS QUE C'EST FASCINANT !
Aliss est une adaptation de Alice au pays des merveilles. Mais version horreur. L'histoire est contée sous forme d'un conte. Quelle bonne idée !
Les personnages sont complètement débiles (c'est un compliment). Ils font à eux seuls toute l'histoire:
Le portrait d'Alice a déjà été dépeint dans le résumé. Mais elle est le personnage le plus ordinaire.
Charles est un mathématicien en quête de logique. Il a bien du mal à échapper à ses vices... Il parle de façon poétique tout en bagayant: «Au... au... aucun règne n'est éter... ter... ternel, Ma.. Ma... Majesté ! La lo... lo... logique reprendra ses dr... dr... droits, c'est inévi... v... vitable !» (p.375)
Il y a ensuite Verrue, un illuminé drogué 24 heures sur 24 qui passe sa vie au lit à fumer des joints en pensant qu'un jour son «cocon» éclosera et qu'il deviendra un papillon...
Pouf, qui fait des comparaisons pas rapport: «On est cuits comme des pommiers !» (p.310).
Madame Letendre, qu prl sns prnncr ls vlls. (qui parle sans prononcer les voyelles).
Chess, qui dit «absolument» à tout bout de champ et qui prend tout ce que les gens disent au pied de la lettre:
«-C'était une... enfin, j'imagine qu'elle était très... cochonne ?
-À table ?
-Non, Chess, au lit...
-Je ne crois pas qu'elle mangeait au lit.» (p.246).
Bone et Chair qui aiment jouer avec les mots et qui aiment s'appeller affectueusement «Mon bon Bone», et mon «Cher Chair»:
«-Pour une nouvelle, elle connaît les nouvelles.
-Oui, je dirais même que pour une novice, elle connaît quelques-uns de nos vices.» (p.291)
«-Mais voilà, la chance s'arrête ici. Vous voilà ligoté sur notre table d'opération. Alors, maintenant que vous êtes sur la table, il est temps de vous mettre à table.
Bone prononce cette dernière phrase en lançant un coup d'oeil à son comparse. Chair fait une moue admirative et amusée:
-Pas mal, c'est là... Mais je crois qu'il aura de la difficulté à se mettre à table, puisqu'il n'est pas dans son assiette !
-Ah ! Ah ! Amusant aussi ! L'important, en se mettant à table, c'est de ne pas se mettre les pieds dans les plats !» (p.307 et 308).
Andromaque, propriétaire d'un club de danseuses et de danseurs nus (et un peu plus), se prend pour une héroïne de l'Antiquité et parlent en vers qui riment :
«J'étais une reine déchue, me voilà reine maudite.
Toute gloire m'est ainsi interdite.
La reine déchue peut croire au bonheur de demain
Et vivre dans l'espoir du couron'ment prochain.
Mais la reine maudite, elle, ne voit rien devant elle,
Sinon que l'oeil de Dieu qui lui lance son fiel. (...)» (p.429-430).
Mais elle ne parle pas toujours de façon aussi poétique:
«Mad'moiselle joue les pures, pis là, tout d'un coup, hop !
Métamorphose complète: elle devient une salope !» (p.230)
Et il y en a plein d'autres ! Bref, Aliss, c'est un monde complètement capoté ! Oui, c'est parfois dégueulasse, mais c'est fascinant en même temps ! Et l'imagination de Patrick Sénécal est complètement épatante !