lundi 18 août 2014

La neige en deuil

Éditions : J'ai Lu, 1952
185 pages
 
Quatrième de couverture :
 
Poignante et terrible confrontation de deux hommes, de deux idéaux, "La Neige en deuil" place une tragédie de l'honneur dans le cadre splendide et inhumain des Alpes. Un grand avion venant des Indes s'est écrasé sur un pic neigeux. Les passions humaines les plus diverses éclatent devant le danger d'une expédition de secours. Ce roman a valu à son auteur le Grand Prix du Prince Rainier de Monaco.
 
Mon commentaire :
 
C'est fou comme la longueur d'une critique peut ne pas être proportionnelle à la longueur de l'œuvre critiquée ! Certains pavés, pourtant pas démunis en termes d'action et d'émotion, me laissent sans inspiration pour écrire mes billets, même si je les ai aimés, ou même dévorés. Je remarque que souvent, les œuvres qui me donnent le plus de choses à dire sont souvent les courts romans et les nouvelles. Cela a été le cas de Des souris et des hommes et de certaines nouvelles de Maupassant. Ce sera aussi, je le crois, le cas de La neige en deuil, un roman pas nouveau du tout mais n'ayant rien perdu de son impact sur ses lecteurs.
 
La neige en deuil raconte l'histoire de deux frères, tous deux vieux garçons et seuls au monde, qui vivent ensemble aux confins d'un village perdu des Alpes. Le personnage principal, Isaïe, est l'aîné. Il y a des années de cela, il était un guide de montagne réputé, conduisant les touristes dans les passages les plus dangereux de la montagne. Or, un jour, la montagne s'est rebellée contre lui et il a été victime d'un accident avec un de ses clients qui est mort. Quant à lui, il s'en est sorti avec une fracture crânienne qui a nécessité plusieurs opérations au cerveau. L'homme qui en est sorti est diminué, car sa faculté de raisonner s'est en allée. Or, ces nouveaux problèmes cognitifs lui donnent la réputation de l'idiot du village, et son frère cadet, de 20 ans son cadet, ne le considère pas autrement.
 
En fait, c'est drôle que j'aie mentionné Des souris et des hommes au début de ce billet, car le personnage d'Isaïe me rappelle drôlement celui de Lenny de l'œuvre de Steinbeck. Il est un peu idiot, mais il a une si bonne nature ! Il serait près à tous les sacrifices pour son frère qu'il adore, ou même pour ses brebis.
 
Le personnage de Marcellin, toutefois, est tout le contraire de celui de George. Il n'est pas du tout la patience incarnée et il n'a aucun scrupule à manipuler son grand frère pour obtenir ce qu'il veut. 
 
Quand un avion s'écrase au sommet de la montagne et que les expéditions de secours sont interdites à cause de la dangerosité de la montagne en novembre (et du fait qu'aucun passager n'a pu survivre), Marcellin se met en tête de profiter des talents d'alpinistes de son frère, qui pourtant a clairement déclaré ne plus vouloir faire de l'escalade de sa vie, pour grimper au sommet et dérober les morts de leur argent et de leurs bijoux.  
 
Isaïe, bien que totalement contre cette idée, finit par être convaincu lorsque son frère lui dit qu'avec tout l'argent qu'ils recueilleront, ils ne seront plus obligés de vendre la maison de leurs ancêtres. Marcellin arrache une promesse à son frère, promesse qu'il regrettera aussitôt qu'il l'aura faite.
 
Bien entendu, l'expédition ne se passera pas très bien, et, une fois de plus, à l'image de Des souris et des hommes, la chute finale est percutante. Je n'en dirai pas plus sur l'action, de peur d'en dévoiler trop. Mais sachez qu'une véritable claque vous attend si vous n'avez pas encore lu cette histoire.
 
Le style de Troyat est admirablement épuré. Les phrases sont courtes et les mots sont simples, mais ils évoquent tellement plus! En ces temps où la mode va aux sagas interminables, qui privilégient souvent la longueur à la qualité, ça fait tellement du bien de tomber sur un roman de moins de 200 pages ! À bien des égards, cette histoire restera bien plus présente dans ma mémoire que ces longues sagas. Bravo pour l'efficacité de ce roman, M. Troyat !
 
À cause de sa longueur et de la chute finale que j'ai mentionnée, j'hésite à qualifier La Neige en Deuil de roman. À mon sens, il s'agit plus d'une longue nouvelle. Mais quelle nouvelle! Je suis maintenant vendue à cet auteur français, dont il me tarde maintenant de découvrir ses autres œuvres. Des suggestions ?

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